"L’horticulture de l’écoute du monde suggérée par Carmen Pardo est l’art de cultiver une sensibilité à l’ensemble des sons, des signes et des rythmes de la planète.
À l’instar du jardinier qui s’occupe de la terre et prête attention à tout son écosystème, cette écoute consiste à affiner notre attention à ce qui nous entoure, à reconnaître la richesse de sons souvent négligées.
C’est une démarche qui vise à redonner du sens à ce qui est parfois imperceptible ou enfoui sous le bruit quotidien.
En cherchant, à la suite d'Olga Taravilla, ce que pourrait être une perspective genrée de l’écoute, j’ai pensé que les présences sonores genrées étaient socialement codées, interprétées et hiérarchisées selon les constructions de genre.
Cette perspective met en lumière comment le son peut être à la fois un vecteur et un reflet des normes de genre, de la répartition des rôles, et des inégalités de pouvoir.
L'université de Girona, dans laquelle nous nous trouvons, peut être considérée comme un terrain historiquement vierge de sonorités féminines du fait que c'est une ancienne chapelle puis une ancienne caserne, et les voix de femmes n'y ont pas résonné dans le passé.
Dans ce cas, l'horticulture genrée de l'écoute pourrait être définie comme une démarche de réhabilitation sonore et symbolique qui chercherait à créer un espace d'écoute attentive et inclusive, où les voix absentes, étouffées ou historiquement silencieuses des femmes pourraient enfin être cultivées et fleurir.
C'est une invitation à revisiter ces lieux chargés de pouvoir et de silence en leur donnant une nouvelle vie à travers des présences sonores qui, autrefois, n'auraient pas été entendues.
Nous pouvons par exemple prêter attention aux silences — non pas comme des vides, mais comme des espaces de potentiel. Ces silences sont chargés d'une histoire, celle de l'absence des femmes, de leur effacement symbolique dans des lieux de prière et de pouvoir militaire qui leur étaient interdits ou réservés à des rôles subalternes.
Nous pouvons aussi cultiver des échos féminins là où il n’y en a jamais eu, en imaginant, ce qui aurait pu être dit ou chanté par des voix féminines dans ces lieux.
L’horticulture de l’écoute serait donc une forme de soin : prendre soin des blessures historiques laissées par l’exclusion des femmes, réparer symboliquement les injustices par l’acte même d’écouter attentivement ce qui a été ignoré.
Cela pourrait se traduire par des moments de silence où l’on écoute non pas pour entendre des paroles, mais pour ressentir ce que ces espaces nous disent par leur histoire tacite, et permettre à ce qui a été tu de s’exprimer.
En conclusion, cette horticulture de l'écoute dans une ancienne chapelle ou caserne où les voix féminines ont été absentes permettrait de réhabiliter ces espaces en leur donnant une nouvelle dimension sonore et symbolique.
Dans la maison de l’écoute de Carmen Pardo, l’horticulture de l’écoute crée un dialogue entre le passé et le futur, en cultivant des voix qui auraient dû être là , mais qui trouvent maintenant un terrain propice pour croître et résonner.
Dans la balade proposée mercredi prochain, vous serez invité·es à cultiver des OGM, puis à disséminer des semences sonores. Ce que j'ai appelé OGM, Objet G Musical, représente ce moment unique où une écoute attentive et active se transforme en expérience sensorielle profonde et émotive. C'est le moment précis où les sons ordinaires de l'environnement se révèlent dans toute leur richesse et leur profondeur musicale. Car cette écoute n'est pas seulement auditive, mais aussi intuitive et sensible du monde qui nous entoure, comme une immersion totale dans l'empreinte sonore de notre environnement.
Ce "point G" est vu comme l'aboutissement de l'écoute, à la fois passive et active, là où le monde extérieur et l'auditeur·ice ne font plus qu'un. À cet instant, l'écoutant·e ne se contente pas de percevoir les sons, mais les ressent comme une partie intégrante de son propre être, capturant une résonance entre intérieur et extérieur, individuel et collectif. Dans une approche poétique et philosophique, ce "point G" de l'écoute du monde est cet instant rare où le son devient vibration intérieure, éveillant des émotions, des souvenirs, ou des connexions profondes à l'invisible."